vendredi 2 novembre 2012

Grand Raid de la Réunion - La Diagonale des Fous 2012

« Ne pas prendre le départ de l’épreuve avec une lésion musculaire, osseuse ou ligamentaire en cours, qui ne pourra que s’aggraver avec les kilomètres………… Cette phrase, maintes et maintes fois répétées sur les médias du grand raid de la Réunion, a résonné en moi de façon obsessionnelle, à la limite de me ficher les jetons….. Je dois en premier lieu, avant de tenter de vous faire partager ma course, revenir sur la fin de ma « préparation »….. Fin août : c’est l’heure de vérité, puisque je suis au départ (et aussi à l’arrivée, qui l’eut cru !) de la CCC 2012, version pluies et neige…… Les sensations ont été moyennes. Dynamique et efficace en montée, mais lent, douloureux, et instable en descente….. Suite à la course, la reprise n’a pas été simple, avec des difficultés à courir souple, une cheville enflée, et des douleurs à tous les étages du pied blessé. Je me suis vu me trainer sur des séances à 9km/h sur le plat….. Petit à petit, pourtant, j’ai réussi à rallonger la distance (2 heures, tout est relatif !), et à travailler à plusieurs allures. Parallèlement, travail du pied, travail sur la pose du pied en course, soins kiné, vélo route …… Au bout, l’apparition de nets progrès, mais on est loin du compte, on ne fait pas de miracles en 6 semaines. J’arrive à La Réunion le 15 octobre, soit 3 jours avant la course, en relatif bon état, grâce notamment à la réduction de l’entrainement pendant la dernière dizaine de jours. Traditionnellement, l’office de tourisme et les organisateurs s’associent pour accueillir les raiders à l’aéroport (punch, café, jus de fruits, accras, samoussas, etc….) Mais cette année, le café a un goût particulier : nous sommes sous la menace d’un cyclone joliment baptisé « Anaïs », et à cet instant les hypothèses vont jusqu’à la possible annulation……… Didier, à la manière d’un routeur pour son skipper, va me transmettre les évolutions de la météo : Finalement, 24 heures plus tard, le risque est amoindri, et l’annulation quasi écartée…….Ouf ! Le peu de temps qui reste ne laisse pas la place à des sorties rando sur place, nous nous contenterons du tour de « Bassin Vital », et de 2 joggings sous les filaos de St Gilles. Catherine et moi avons loué un appart en plein centre de St Gilles, de manière à ne pas être trop loin de tout accès routier, et surtout pour l’agrément de l’avant et l’après course, dans une ambiance de village balnéaire. Mercredi, tout le monde se retrouve à La Redoute pour récupérer les précieux dossards, ainsi que pour faire la queue à la kermesse chez les sponsors (riz complet Réunionnais, produits cosmétiques, gels énergétiques, etc…..) Le principal est que l’ambiance soit bonne, et que nous nous retrouvions bien tous, Séb, Thierry, Marie-Laure et Patrick… L’affaire est rondement menée, et nous sommes de retour dans nos logements à une heure décente……….C’est déjà la veille de course ! Le jeudi se passe au calme, à l’ombre, préparation du sac de course, et des sacs d’assistance, et tentative de sieste. A 16h30, il est l’heure de partir rejoindre les bus navettes qui nous prennent à différents points, tout autour de l’île : pour nous, ce sera le centre de l’Ermitage-Les-Bains. Ainsi, nous embarquons au même endroit, Marie-Laure, Patrick et moi…. Le bus est attendu à la porte du village Corail. Dans ce centre, un groupe de 45 coureurs « invités » par Virbac attend son propre bus. Or Patrick et Marie-Laure connaissent l’un d’entre eux, un Jogger du Couesnon. C’est donc dans un bus spécial que nous embarquons vers St Philippe comme des VIP ! Beaucoup d’autres coureurs embarquent au même endroit. Catherine profite de l’occasion pour se lier durablement avec Marie-Jo, une Girondine. Elles feront cause commune pendant toute la course, une belle amitié est née grâce à nos aventures de raider ! Le bus entame son long voyage. On dirait que tous les véhicules de l’île descendent à St Philippe ! Il nous faudra plus de 2 heures pour rejoindre le site de l’arrivée…. Le voyage est mis à profit pour se préparer, se restaurer. Chacun y va de sa propre méthode : Pour certains, c’est la rigolade, moi mon style, c’est plutôt, « je rentre dans ma bulle » ! Arrivés sur site, une première file d’attente s’impose pour le contrôle rigoureux des sacs coureurs. Ensuite c’est à nouveau l’attente, sauf pour Marie-Laure qui est convoquée pour un contrôle anti-dopage ! Rassurez-vous, c’est un tirage au sort qui l’a désignée ! Une heure avant le départ, je m’approche de la ligne autant que possible, je souhaite courir à mon allure, même si elle est lente, et le plus tôt possible, mais je suis loin d’être devant ! A ce moment je n’ai pas de news de Thierry et Seb, tant pis, on se retrouvera surement en course ! La pression monte du côté du podium. Le speaker tente de créer une ambiance, et ça me semble plus laborieux que d’autres fois. Il y a de la musique, des torches, des danseurs, et de la vidéo sur grand écran. On procède finalement à l’appel de toutes les «pointures» présentes pour ce numéro spécial de la Diag’, vingtième du nom. Heureusement, le temps passe hyper vite et le compte à rebours finit par nous envoyer sur le circuit peu avant 22 heures, heure locale. Le temps est hyper doux, la brise assez forte n’apporte aucune fraicheur. Nous empruntons d’abord une longue portion plate de bitume (6km) sur la nationale du littoral où nous essuyons les premières gouttes de pluie. Sans aucun stress, pour l’instant, je m’assure des petits réglages, sac et frontale, et surveillance du cardio. Après une portion courte assez mauvaise en côte dans les cannes à sucre, nous trouvons une autre partie roulante de goudron, et c’est là que je retrouve Thierry et Seb qui ont connu quelques frayeurs pour être présents à l’heure au départ : pas bon pour contrôler la sérénité des fréquences cardiaques ! Nous courons ensemble dans cette nouvelle portion facile, désormais sous une pluie bien marquée……. La pente devient plus forte, et il faut maintenant progresser en marche rapide sur un bon chemin forestier. Cette partie a été rallongée de 4 km par rapport aux éditions passées. Mais on retrouve le redoutable départ de sentier à la côte 700m, et au bout de 20 km. Sur la route forestière précédant le redoutable raidillon, j’ai perdu mes 2 compagnons, et laissé « filer » beaucoup de coureurs, en raison d’une pause beaucoup trop longue (arrêt pipi + changement de vêtements) : erreur de préparation, comme quoi, la perfection n’est pas encore de mise ! Je me retrouve dans un train beaucoup trop lent pour effectuer cette longue ascension, mais je reste calme, sauf lorsque je commets quelques dépassements intempestifs lorsque le convoi s’arrête dans les nombreux bouchons. J’ai profité du premier ralentissement pour mettre les écouteurs et la musique fait diversion dans une ambiance parfois pesante avec notamment les premiers dégâts sur les bords du sentier étroit (comment peut-on être si mal, si tôt dans la course ?) Nous sortons du couvert végétal peu avant la côte 2100. La pente devient moins forte dans cette ambiance devenue hivernale, pluie, froid et brouillard, et très minérale, contraste saisissant après la forêt tropicale…….. C’est dans cet environnement polaire que nous rejoignons le premier ravito : Foc-Foc, à proximité immédiate du volcan que nous ne voyons pas…… Il est 5h30 du matin, alti 2350m, 29km, et il fait désormais jour. Une portion assez roulante nous fait avancer jusqu’au CP majeur du volcan, au 35ème kilo. Deux arrêts que je limite au strict nécessaire en raison du froid, et aussi parce que je trouve les tables ravagées par les coureurs qui m’ont devancé, et des bénévoles qui peinent à faire face…… Les conditions hivernales sont hélas durables dans la « plaine des sables », si bien que le paysage est absent dans ce cadre que je sais magnifique……… Nous bénéficions d’une courte éclaircie lors de la sèche ascension vers l’oratoire Ste Thérèse, point culminant de la course (2400m). Pour l’instant, j’ai réussi à courir tout ce qui pouvait l’être et « limité la casse » dans les descentes. Le sol est toujours dans l’ambiance volcanique, avec cette pierre que les chevilles n’aiment pas. Nous descendons vers Piton Textor où le paysage va se transformer progressivement en pâturages que nous traversons par des chemins étroits, détrempés, et coincés entre des rangs de barbelés menaçants……… C’est réellement la première galère de cette course tant il est parfois difficile de rester debout dans certaines parties boueuses et pentues. C’est à ce moment, peu de temps avant « Mare-à-boue », que je rattrape Séb. Nous arrivons ensemble, en trottinant, peu de temps après Thierry, au ravito si bien nommé du km 52, au cœur de la « Plaine des Câfres », et je vois bien que ce sera compliqué pour Sébastien. Thierry semble plus à l’aise. Je fais un arrêt prolongé dans ce ravitaillement important. Il est tenu par les militaires, est donc bien garni, et il doit nous préparer à aborder une étape que je sais longue et difficile. Pas de sentiments, je m’octroie 2 assiettes de pâtes ! Dire que cette étape est difficile serait un euphémisme, nous allons évoluer dans la boue pendant plus de 4 heures ! Une progression laborieuse puisque nous ne « prenons » que 900 mètres pour 12 kilomètres……. Nous évoluons d’abord sur un beau sentier tracé dans la forêt. Certaines portions suivent des lignes de crêtes, mais de toute façon, le paysage est bouché. A aucun moment nous n’apercevrons le « Piton des neiges » au pied duquel est situé le ravitaillement « Caverne Dufour » Dans la montée, j’ai dépassé Seb très tôt, puis Thierry, peu de temps avant ce ravito d’altitude. C’est rien de dire que les organismes sont éprouvés. Avec Thierry, nous n’échangeons que quelques mots, en se restaurant chichement, avant de redescendre vers Cilaos. Ca fait drôle de remettre un peu de rythme, et de progresser sur un sol sec ! Thierry est vraiment à la peine dans cette descente. Je le « laisse tomber » à mi-pente, près du point d’eau, histoire d’être en bas le plus tôt possible, et de prévenir ses accompagnateurs. J’arrive à Cilaos vers 16h15, soit près de 30min au-delà de ma prévision dite pessimiste……..Oups ! Catherine est là, accompagnée de Marie-Jo. Manuel est déjà passé, et leur attente a été très longue. Je suis un peu stone. Je me révèle peu efficace pour refaire mon sac, me changer et réparer mes pieds : lavage, Nok, chaussettes et chaussures propres…. Nous jardinons un peu à reformater le sac, le bon nombre de gels, de boissons, les bons vêtements. Nous nous dirigeons ensuite vers le ravito, mais là, ce sont les bénévoles qui peinent à nous servir…… Il ne reste qu’à effectuer les remplissages des bidons, à pointer, et je me remets en route pour l’approche du Taïbit. Chacun de mes départs de Cilaos s’est toujours révélé laborieux dans le passé. Cette fois-ci, j’ai la pêche. Le circuit descend au fond d’une gorge, avant de remonter d’autant, via un passage par les anciennes Thermes. Encore 500m D+/D- lorsque nous nous présentons de nuit au pied du fameux Taïbit. Arrêt rapide au ravito où règne une belle ambiance….. Cette deuxième nuit s’annonce complètement différente. L’atmosphère est douce et sèche, mais le ciel est sans lune. Je savoure l’efficacité de ma Fénix, une bombe ! J’éclaire les montagnes en face ! Je goûte aussi au plaisir d’une belle montée, plus classique que celles que j’ai eues précédemment. Encore 900m D+ dans mon escarcelle lorsque je dépasse le col qui marque l’entrée dans Mafate. Rapide descente vers Marla, mon premier ilet où les coureurs sont également superbement accueillis par les bénévoles. 5 heures se sont écoulées depuis mon arrivée à Cilaos Plus tard, j’apprendrai que j’ai gagné près de 400 places sur cette étape ! Les 70 premiers kilomètres ont fait des dégâts ! Cependant, le ravito est victime de son succès : il n’y a plus de place pour dormir ! Pour moi ça n’est pas grave, il n’y a pas d’urgence ! Spontanément un groupe d’une vingtaine de coureurs se forme pour reprendre la course en direction du sentier Scout, brève incursion dans le cirque « est » de Salazie. Cette portion est assez roulante (600m D+ pour 9km), mises à part 2 portions plus sèches. Cette portion restera aussi dans ma mémoire pour avoir eu l’occasion de la refaire de jour avec Catherine, version heureuse du souvenir, mais hélas aussi, car c’est celle où un camarade trailer a perdu la vie un peu plus tard dans la nuit ……… Le groupe se délite au fur et à mesure de la progression, mais sans problème, nous voici à côté de Grand Ilet. Encore un ravito tenu par les militaires : Ce n’est pas très glamour au milieu de la nuit, je m’éclipse vite pour une partie pas plus dure mais où nous pénétrons plus profondément dans Mafate la forestière, à commencer par le sentier Scout, la seule partie plus humide du cirque. Le parcours semble prendre un malin plaisir à emprunter tout ce qui se présente comme montées et descentes dans le cirque. Ça me laisse de marbre, je fais le job, le plus souvent seul maintenant, en plein cœur de la nuit. J’effectue un arrêt rapide à « Ilet à Bourse » vers 3h00 du matin. Il ne reste ensuite que 3 km avant « Grand Place », où un ravito plus important nous attend. Voilà donc l’école de « Grand Place-Les Bas » peu avant 4h00. Je commence à « bien » ressentir la fatigue. Je prends le temps de m’alimenter correctement (samedi c’est raviolis), et aussi de soulager au Nok les parties sensibles…….. Là encore, vers 4h15, c’est en colonne que nous attaquons les montagnes russes vers « Roche-Plate » Le hasard a voulu que je sois en queue, mais cette fois-ci, la formule ne me convient pas du tout car le rythme est trop lent et je tends à basculer vers le somnambulisme ! C’est à ce moment-là que je commets l’irréparable en pensant tout haut un truc du genre: « ça aurait été malin de mettre un mec rapide devant….. » Je regrette aussitôt mes paroles, mais me fais jeter par le groupe, qui me fais passer devant et m’envoie me faire voir ailleurs pendant que je bredouille quelques plates mais sincères excuses…… Au moins, cela aura eu le mérite de me réveiller quelque temps. Il n’empêche que je suis en pleine lutte, et que je ne suis plus du tout efficace dans ma progression. Il ne reste qu’à atteindre le ravito, et de trouver un lit ! Je limite quand même la casse puisque je parviens à « Roche Plate » en 3 h00 pour 10km et 1200m D+ Il fait désormais grand jour, et le soleil est déjà haut. Je me ravitaille un peu et trouve un lit à l’infirmerie. Je règle le téléphone sur 20min et bascule, sous une couverture, dans un profond sommeil. Lorsque je me remets sur pieds, je suis surpris que la machine soit prête à repartir sans broncher. Mes camarades de dortoir semblent vouloir trainer dans le coin, et certains cherchent même à entamer la discut’….Moi, je dégage, j’ai un truc à faire avant que le soleil ne bastonne de trop les flancs du Maïdo ! L’ascension se passe bien : je suis redevenu efficace. On nous a tellement vendu la portion comme une tuerie que je la trouverais presque facile : Encore 1000m D+ in the pocket lorsque je parviens sur le plateau du Maïdo, sortie de Mafate ! Entre temps, j’ai fait le pitre au passage de 2 hélicos embarquant des cameramen….. Il est 10h15 lorsque je pointe au ravito situé un peu plus bas le long de la ligne de crête. Les bénévoles sont aux petits soins et nous observent avec des yeux plein d’incrédulité…… J’opte pour la tartine pâté……et bananes le tout arrosé au thé. Depuis peu, je me renseigne sur ma place : Malgré le petit dodo, j’ai encore gagné 20 places : Yes ! Nous entamons une longue descente vers le littoral : Ça commence par une succession de petites bosses, dans les sous-bois et près du bord de la muraille qui surplombe le cirque que nous venons de quitter. Un peu plus tard, nous nous enfonçons dans la forêt pour un passage à l’ »Ilet Alcide », mémorial de l’habitat « marron ». Nous découvrons ensuite des champs de géranium, une culture traditionnelle pour les huiles essentielles, mais qui est en voie de disparition. Nous continuons à descendre dans la végétation primitive d’une forêt humide (bois de couleur) en direction du bien nommé « Sans-Souci » sur une piste interminable, rectiligne, et marquée d’une traverse en rondin de bois tous les 2 mètres……….redoutable ! Difficile de garder de la souplesse quand la foulée est rompue par des obstacles répétés et un dénivelé négatif de 1200m. Vers 13h30, je suis accueilli dans le village par Seb et sa femme qui attendent Thierry. Je prends mon temps, même si le gros ravito n’est que 2,5km derrière, juste après la « rivière des Galets », d’autant plus qu’ils sont de vraies mère-poules pour moi, et qu’il y a des crêpes-confiture au ravito…………….si, si ! Le paysage est inintéressant au possible à proximité du lit de la rivière, une portion à oublier ! L’impression de contourner des terrains vagues nous fait regretter l’ambiance de « Dos d’Ane » des éditions précédentes. Je pénètre dans le stade « Halte-là », et ne manque pas de le faire savoir au chef de poste ! Le stade est désert à cette heure-ci, j’ai l’impression que nous avons, Catherine et moi, tous les bénévoles pour nous tout seul. Alors, je me montre plus efficace et plus rapide que la veille ! Il faut dire que nous ne sommes plus au même versant de la course ! De plus, je viens de rentrer dans le top 400. Pour fêter ça, je me fais servir un excellent rougail-saucisses ! La suite présentera encore assez peu d’intérêt avec des traversées de plantations de canne à sucre, puis des successions de bois accidentés : c’est la jungle ici ! L’approche de La Possession se révèlera heureusement plus roulante ! Qu’est ce que j’aurais pesté sur cette étape ! Mine de rien, la nuit se profile déjà lorsque je rejoins La Possession, ville de bord de mer (149 km, 18h30). Le ravito est installé dans une école du centre-ville. Il y a beaucoup de monde car nous faisons maintenant route commune avec les 2 autres courses. C’est un peu perturbant : je n’ai pas l’habitude de me faire dépasser ! Je lambine un peu, recharge tous les bidons et ressors la lampe. Je sais que la suite ne va pas être simple……… L’environnement est tellement urbain qu’il en devient presque agressif. C’est sans regret que nous replongeons dans la pénombre des sentiers. Ce qui va être moins drôle c’est d’emprunter le terrible « Chemin des Anglais » Lui aussi, c’est un monument de la course. A l’origine, il s’agit d’un chemin construit au 19ème siècle afin de permettre la liaison de St Denis à La Possession via la montagne puisque les falaises plongeaient directement dans l’océan avant que la route du littoral ne soit construite. Pratiquement, c’est une piste de pierres de basalte, comme d’énormes galets irréguliers, posées tels des pavés. Et ça s’avère être un enfer de stress pour la tension nerveuse, et pour les chevilles fragiles, a fortiori quand ça dure plus de 10 km, que le profil est vallonné, et qu’il fait nuit. Sur le terrain, le fameux tracé se décompose en 2 parties : la première longe le bord de la falaise entre La Possession et Grande Chaloupe, et la seconde pénètre dans les terres en remontant une ravine en direction de « La Montagne », à partir de « Grande Chaloupe ». Le tout doit franchir une bonne demi-douzaine de ravines : Bonjour le dénivelé en bonus de difficulté ! Au total, j’ai dû passer pas loin de 4 heures à calculer ma trajectoire, pierre par pierre…… Au bout d’un moment, je devine que je suis suivi de près. Le « suceur de roue » finit par me dire qu’il n’a pas l’intention de prendre de relais et qu’il me remercie pour ma régularité et pour la puissance de mon phare. Nous ferons la conversation et route commune jusqu’à l’arrivée. Stéphane, de Tarbes….. A ce moment-là, ma négligence à étudier le road-book sera compensée par une nouvelle conversation téléphonique avec Titi, mon ami et coach qui aura été un réel stimulus tout au long de la course, et qui cette fois me détaillera la suite et fin des évènements, aide précieuse au moment où le cerveau ne répond plus qu’en mode réflexe…. Cependant, tout a une fin, même l’enfer : Nous débouchons enfin sur « La Montagne », quartier urbain de St Denis qu’il nous faut traverser sur de longues parties bitumées : Ça change ! Nous finissons par trouver le sentier d’accès au fameux « Colorado », chemin étroit, profondément raviné, mais pas extrêmement pentu. L’ascension s’achève sur un plateau où nous devinons de larges clairières, des antennes de télécom, et un magnifique panorama sur St Denis et l’océan. Passage éclair au pointage, un verre de soda, et nous envisageons enfin le rush final vers La Redoute après avoir ressorti du sac le maillot officiel et obligatoire pour l’arrivée……. Alors que j’aurais pu savourer cette dernière portion grâce à des jambes qui répondent encore étonnamment bien, je constate avec dépit le brusque déclin de l’efficacité de mes batteries de frontale. Je vais donc devoir jouer la prudence sur la dernière descente alors que j’aurais pu passer en mode booster si j’avais été plus prévoyant en remplaçant les piles. Ce n’est pas très grave, tout au plus aurais-je pu gagner 4 à 5 places dans cette ultime descente. Il faut se montrer prudent, le sentier dissimule de nombreux pièges, et je termine en 1h10 la partie technique. Il ne reste qu’a poursuivre sur la contre-allée, et pénétrer sur le stade, tout en régalant le public avec quelques sauts à la Gene Kelly dans « Singing in the rain », Catherine m’attend à la barrière, et c’est ensemble que nous allons chercher le fameux tee-shirt « J’ai survécu », ainsi que la médaille de finisher. C’est difficile d’exprimer la joie ressentie lorsque j’atteins le si convoité stade de « La Redoute ». J’ai parfaitement conscience d’être un privilégié, même si j’ignore alors le taux record d’abandon (50%). En revanche, je sais que si je suis là, c’est grâce à une course débutée dans la prudence et poursuivie avec assez peu d’erreurs. J’ai construit une représentation mentale de l’arrivée depuis plusieurs semaines dont je ne me suis jamais détachée, et qui m’a aidé à garder sérénité et bonne humeur. Comment expliquer que ma blessure se soit presque complètement mise en parenthèse ? Comment ai-je pu « tenir » tout ce temps avec 20 minutes de sommeil ? Comment faire partager que le sentiment de bonheur soit aussi teinté de la tristesse qu’en même temps ça s’arrête là, tout net ?.......Il y a beaucoup de questions….. Une page se tourne : j’ai promis que ce serait mon dernier Grand Raid. Ce résultat (inattendu ? inespéré ?) est un peu mon « bâton de maréchal ». Je veux tellement prolonger ce moment que je ne veux pas lui rendre son micro à ce courageux speaker qui nous accueille au milieu de la nuit. J’ai été un peu long, mais je ne vais pas conclure sans remercier tous ceux qui m’ont suivi, qui m’ont appelé, ou envoyer des messages, Catherine, mes enfants, ma famille, mes amis….. J’étais loin de penser que ma course susciterait une telle ferveur. Il est 0h50, et je viens de passer 50h50 sur ce Grand Raid que je termine à la 360ème place sur 1363 finishers et 2607 partants. Fréquence cardiaque moy : 106 ; 170km, 11000m D+ »

lundi 2 janvier 2012

Festival Les Hospitaliers - Nant 30/10/2011

C’est dur de se dire que l’année 2011 doit se passer sans qu’un ultra « XL » n’ait été casé dans le calendrier à tel point que je décide dans le courant de l’été, de rajouter le « festival des Hospitaliers » à mon programme trop light cette année. Ca aurait pu être les Templiers, qui offre un choix plus large de courses, et notamment l’ »Endurance trail 106km», mais nous ne sommes pas libre à cette date.
Est-il utile de rappeler que Nant a été le théâtre des Templiers jusqu’à ce que la course se déplace à Millau pour tout un tas de raisons qui n’ont pas encore fini d’entretenir le buzz…..
Mais Nant, le cœur du Larzac a ses amoureux dont je suis et c’est sans amertume que ce projet murit gentiment au fur et à mesure des semaines d’entrainement des mois de septembre et d’octobre.
Une fois de plus, c’est le talent de Thierry qui fixe les détails de mon entrainement avec toutes les contraintes liées à mon problème de l’aorte (FCmax : 145).
A noter, un enchainement de plusieurs dimanches dans la vallée du Couesnon pour des séances de 3 à 4 heures.
Le jour J arrive. C’est l’occasion de retrouver JB et Martine chez qui nous logeons pour chacun de nos séjours Aveyronnais (on ne les compte plus…..).
L’ambiance à Nant est plus tranquille…… La nouvelle organisation n’a pas encore l’envergure de celle qui organise Les Templiers. Mais elle redouble de bonne volonté et de gentillesse.
Dimanche matin, c’est le départ à la frontale.
L’heure du réveil m’a causé beaucoup de stress car l’heure a changé pendant la nuit écourtée….
Je reste le plus longtemps possible au café sur la place du Claux à siroter un petit noir.
Il faut pourtant sacrifier au pointage des dossards avant de prendre un départ moins bousculé qu’à l’habitude, à cet endroit.
Nous remontons également la route vers le sud-est, mais rapidement Les Hospitaliers marquent leur différence par un itinéraire original et qui n’a rien à envier à leur prédécesseur.
La partie nocturne qui nous amène à Sauclières est 100 pour 100 nouvelle et de toute beauté tout en relance, en petite trace ; on dit « draille » parait t’il.
Les conditions de course sont plutôt bonnes. Il fait frais mais pas trop. Un peu de brouillard au passage des crêtes, mais rien de méchant.
Peu avant le passage des 2 heures de course, la vigilance peut-être relâchée sur un chemin trop facile, je me tords une cheville, la gauche comme d’habitude. J’en ai pris l’abonnement pendant 3 dimanches d’affilée. Le sentier redevient plus escarpé alors que nous redescendons vers Sauclières. Ca me permet de vérifier qu’il y a plus de peur que de mal !
Le jour est bien là lorsque nous pénétrons la petite ville de Sauclières où tous les Templiers bipèdes sont passés pendant toutes ces années.
Rapide remplissage des gourdes avant de prendre la direction de St Jean du Bruel, innovation de l’itinéraire. C’est globalement une longue descente qui commence avec un cadre forestier d’un bout à l’autre et des portions pour se lâcher, et s’amuser ; l’occasion de tester les cuisses en ce début de parcours.
Nous rentrons à peine dans St jean car l’itinéraire bifurque à l’est pour la direction du St Guiral, le point culminant de la course. Je range la lampe au fond du sac et sors mes bâtons. Nous corons depuis 2h40.

L’ascension est longue mais plutôt tranquille. Il ya de nombreuses portions de chemins où il est possible de courir lorsque la pente est moins forte, mais aussi quand ça redescend. Les écarts se sont créés à la faveur de cette portion, et c’est seul que j’arrive au sommet (1300m).

Le soleil a fini par gagner la partie contre les nuages et le brouillard. Nous avons profité des splendides panoramas de cette saison si riche en couleurs Vive l’automne sur les Causses !

J’aime beaucoup le versant nord qui nous ramène à Dourbies, et j’ai bien envie d’y être au plus tôt.
Je bats mon record sur cette portion : à peine plus d’une heure. Le soleil a réussi à percer : il sera grand temps d’alléger l’équipement à ce premier ravito.

Catherine et Mathilde sont au rendez-vous du petit pont sur la Dourbies. La prudence est de mise sur le pont de bois et les galets du sentier : c’est la patinoire avec l’humidité ambiante !
Nous atteignons la salle communale où mes petites femmes se mettent en quatre pour me fournir des vêtements secs, recharger mes poches, et me délester des effets sales ou inutiles. Le chrono affiche les 6 heures de course !
Pour gagner du temps, je repars avec une poche en plastique garnie de mon ravito : c’est plus rapide de manger en avançant !
Les organisateurs réussissent encore à nous surprendre en nous faisant emprunter un autre chemin pour escalader la crête de Suquet. Il fait presque chaud pendant les parties exposées du versant sud. La fatigue commence à se faire sentir pendant la longue et glissante descente vers Trêves. Là aussi, le cadre est connu et reconnu. C’est dans la salle polyvalente habituelle que les bénévoles nous accueillent.
En revanche, un nouvel itinéraire nous est proposé pour gagner le prochain CP. Il va falloir tout d’abord suivre un cruel sentier en balcon au dessus du Trevezel pour rejoindre Cantobre.
Les moyennes s’effondrent lamentablement sur cette trace laborieuse. Le paysage est pourtant splendide en descendant ces gorges. A St Sulpice ça se corse avec des pourcentages bien sévères pour monter vers les Bouissades par l’Aven noir. Ouf ! je suis en vue de Cantobre ! Je sais qu’une dure descente m’attend maintenant, et je m’accorde une pause assis dans l’herbe pour prévenir mon escorte du retard inéluctable.

Avec Fred, 2 ans plus tôt nous avons déjà tâté de cette raide descente. Heureusement, là, il fait jour !
Les jambes répondent encore bien pour ne pas perdre de temps dans la descente bien plus digeste à la lumière du jour !
Un dernier mur nous attend pour escalader le rocher de Cantobre par la face nord SVP ! et atteindre enfin le dernier ravito. Evidemment, je me fais gentiment sermonner, et secouer avant qu’on m’envoie me faire voir sur le Roc Nantais ! Ben oui, c’est comme ça qu’on parle aux coureurs si on ne veut pas qu’ils s’endorment !
La première partie est hyper-raide, et progressivement la pente diminue. Il est même facile de courir en atteignant Le Martoulet (850m).
Ensuite, c’est presque le bonheur ! Dévaler le Roc Nantais en apothéose d’une si belle journée, c’est absolument génial. Je trouve même le moyen de refouler une méchante crampe qui apparait à l’amorce de la descente.
Le chrono me déçoit un peu, mais il faut que je me fasse une raison et admettre mon passage du côté des diesel : classement 136/332 en 12h09 à moins de 130 b/min.
Je savoure : c’est peut-être la dernière fois que je parcours ces fameux chemins !